BLACK MILK WOMEN

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PORTRAIT : KATHLEEN CLEAVER

Entre la fin du mois de l’Histoire des Noirs et la Journée International des droits de la Femme, on vous présente le portrait d’une femme au parcours hors du commun. Invitée dans le cadre du Festival Fro, Kathleen Cleaver, première femme à rejoindre le groupe militant des Black Panthers, a fasciné l’auditoire rassemblé au Musée des Beaux Arts de Montréal. Elle a accepté de partager avec nous une vie de combat et de danger, mais aussi d’apprentissage et d’audace.

Professeure Cleaver, née Kathleen Neal, monte sur scène vêtue d’un pull à la mode, rayé noir et blanc. D’immenses boucles d’oreilles scintillantes pendent à ses oreilles sous son afro doré. À 68 ans, elle incarne toujours force et féminité. Dès le début de sa présentation, son autorité se fait sentir. Son côté professeur de droit ressort. D’un ton à la fois amical et ferme, Kathleen Cleaver nous présente ce mouvement pour les droits des Noirs qui tant bouleversé les États-Unis. Dans le public, on veut aussi savoir comment, comme femme, elle a vécu une grande partie de sa vie en danger de mort. Le récit d’une activiste, avocate et professeure qui s’est construit dans le combat et l’espoir.

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Il faut dire qu’elle avait déjà ressenti cette envie de faire une différence lorsqu’elle était plus jeune. Née en 1945 à Dallas d’un père professeur de sociologie et d’une mère diplômée en mathématique, La jeune Kathleen est amenée à voyager à travers le monde en raison du travail de son père. « Enfant, j’ai visité l’Inde avec mes parents. J’étais en Sierra Leone quand le pays est devenu indépendant », se remémore-t-elle. Inconsciemment, ces voyages marquent l’imaginaire et la mentalité de la jeune femme. « J’ai vu des gens de couleur gagner leur liberté contre le colonialisme européen ». Impossible pour elle de ne pas tisser de lien avec la situation de la communauté noire chez elle, où des individus sont dépourvus de droits fondamentaux. La jeune Kathleen abandonne l’école en 1966 pour travailler à temps plein au Student Nonviolent Coordonating Committee. Son entrée chez les Black Panthers se fait assez naturellement. Lors d’un congrès à San Francisco, l’étudiante de 21 ans rencontre le responsable du ministère de l’information du BBP, Eldridge Cleaver. « Je me cherchais un emploi d’été et je l’ai eu comme ça ». La jeune femme devient alors Secrétaire des communications et la première femme à rejoindre Les Black Panthers. Les femmes étaient bien acceptées dans le groupe, nous explique Cleaver. Selon elle, c’est probablement parce que c’est l’une des communautés où les femmes étaient très impliquées, aux États-Unis. La jeune femme écrit du matériel promotionnel qui provoque, des lettres ouvertes qui ne manquent pas de faire réagir. Des textes qui soulèvent des passions, mais aussi un peu de peur. Un peu plus tard, elle marie Eldridge Cleaver, un couple qui ne fait pas l’unanimité dans l’organisation. D’ailleurs, dans ses mémoires A taste of Power, la Black Panthers Elaine Brown décrit le couple Cleaver comme des « éléments destructifs de l’organisation ». Le couple milite aussi au sein du parti Peace and Freedom, qui lutte pour les droits des femmes et la fin de la guerre du Vietnam.

Le Black Panthers Party est créé en 1966 en Californie. Le groupe prône l’autodéfense contre la violence subie par les Noirs à cette époque. Le mouvement s’est radicalisé, mais a aussi élargi ses objectifs. Kathleen Cleaver nous explique qu’il s’agissait surtout de donner du pouvoir politique aux Afro-américains, le pouvoir pour la communauté de prendre en mains sa destinée. Il faut dire que la même année, le premier étudiant noir diplômé de l’Université du Mississippi, James Meredith, entreprend sa « Marche contre la peur » pour protester contre le racisme. Peu après le début de sa marche, il est blessé par balle. Des militants noirs reprennent alors le flambeau. Ce serait, explique Cleaver, pendant cette manifestation pacifique que l’expression « Black Power » aurait commencé à être entendue. C’est donc dans cet esprit que la jeune Kathleen de l’époque se sent interpelée par le militantisme pour sa communauté et pour les droits de la personne en général.

D’un autre côté, le mouvement des Black Panthers s’attire rapidement les foudres des autorités. Une embuscade chez Eldridge et Kathleen Cleaver où deux agents sont tués force le couple à quitter le pays. Initialement, le couple devait se séparer pour ensuite se rejoindre à Cuba. Kathleen Cleaver, alors enceinte, fuit vers l’Algérie et s’y cache un temps. Suivant le plan, elle se rend au jour J à l’aéroport, mais un messager lui émet un message de son mari qui l’alerte de ne pas venir à Cuba. Le couple ne se rendra jamais Cuba comme prévu. Kathleen Cleaver rigole en nous racontant ce changement de plan, qui semble pourtant avoir été généré par une menace quelconque. Il faut dire qu’elle est habituée à vivre dangereusement.

Elle revient aux États-Unis vers le milieu des années 70 avec son mari et sa fille où elle termine ses études et défend ses collègues Black Panthers emprisonnés. Cleaver lutte aussi pour sa communauté avec une autre arme l’éducation. Elle enseigne d’ailleurs toujours le droit à l’université tout en étant grand-maman. Devant cette femme de 68 ans encore si en forme, qui nous a livré ce récit avec autant d’aplomb, on se pose encore des questions dans le public. Comment, avec toute cette injustice, ces morts, ces fuites, ces trahisons de son propre pays, et parfois même de son propre clan (les Black Panthers ont été infiltrés nous raconte-t-elle), comment ne pas tomber dans la haine ? À cette question plutôt lourde, elle répond tout simplement : « Hope ».


Black Milk Women est un journal de vie basé à Montréal. À travers les récits et expériences, nous voulons encourager les femmes à devenir qui elles sont et être une source d'inspiration. Black Milk Women est aussi un espace de partage pour aider les femmes aspirantes à améliorer leur quotidien, façonner leur caractère unique pour vivre une vie pleine de sens et d'abondance.


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